Reiki & Taoïsme

 

L'idéogramme chinois du Reiki

 

 

レイキ - 霊気 - 靈氣

 

Maintenant que nous en savons plus sur le Taoïsme, et la manière dont il aurait pu inspirer le Japon et Mikao Usui, nous pouvons nous intéresser à l’idéogramme utilisé pour écrire le terme « Reiki » en japonais. Et il s’avère que cet idéogramme est non seulement chinois, comme la plupart des « kanji » japonais originaux, mais aussi d’inspiration visiblement taoïste. On distingue ici le terme « Reiki », utilisé dans le Bouddhisme comme le Shintô avec des sens différents, pour nous intéresser à la manière de l’écrire.

L’idéogramme utilisé pour désigner le Reiki par Mikao Usui comprend, en effet, trois éléments au cœur de la doctrine impériale de Chine :
- « Amé », la pluie ou l’influence du Ciel ;
- « Wang », l’Empereur ou le médiateur cosmique (les deux premiers idéogrammes forment 靈) ; et              

- « Tchi », le souffle du corps humain, constituant notre Terre intérieure (氣)

 


I. Amé, l’influence céleste ou spirituelle.

L’influence Amé est définie clairement par un des traités chinois d’acuponcture, le Nei Tching Sou Wen, en son chapitre 29 :
« La création reçoit l’énergie du Ciel et tout événement se conforme à celle-ci. C’est pourquoi les planètes ne sont pas cause de désordre en elles-mêmes (nda. les constellations, traversées par ces planètes, sont, elles, facteur d’ordre dans le système chinois), ne président pas aux événements, étant elles-mêmes des événements, mais c’est tout un ensemble, en transformations cycliques, qui fait s’interpénétrer les influx céleste et terrestre. Les planètes ne sont pas des agents des événements, elles ne font qu’y participer ; elles ne sont pas une cause, laquelle est dans le Tout2 ».

Amé est donc l’ordre (cosmos, qui s’oppose en grec à chaos, le désordre), tel qu’il résulte du cercle des constellations zodiacales et tel qu’il se projette dans les douze principaux méridiens convoyant le souffle interne dans le corps humain. En effet, ces canaux, appelés péridromies, sont l’objet d’une attention rigoureuse de la part de l’acuponcture et associés aux principaux organes physiologiques.

Toutefois, selon le point de vue taoïste, les constellations et planètes n’agissent pas, par un effet mécanique, thermodynamique, électromagnétique ou autre, sur notre biologie. Les astres sont soumis aux mêmes lois de l’univers, que nos canaux internes. C’est uniquement à ce titre qu’ils peuvent servir d’index extérieurs aux modifications et rythmes intérieurs, justifiant ce fait anthropologique universel qu’est la science astrologique.

Rappelons, en rapport avec « l’influence du Ciel », qu’elle apparaît curieusement à l’origine de la révélation du Reiki :
« Un jour, il se rendit sur Kurama-yama pour pratiquer le Shyu-gyo, une célèbre pratique ascétique. Au matin du dernier jour de sa retraite (le 21ème), il sentit une influence spirituelle très forte au-dessus de lui et obtint la réalisation de la voie bouddhique. Cette influence se manifesta tout de suite en tant que pouvoir de guérison miraculeuse (Ryoho) » (stèle de Saihoji).

Si l’on s’en tient à une interprétation stricte du Taoïsme, cette influence spirituelle que ressent Mikao Usui est un processus subjectif. Tout se passe dans son corps et c’est certainement un changement médical ou biologique (dans l’activité électro-magnétique et, de là, chimique de son cerveau) qui intervient. Il n’y a aucun « rayon venant de l’autre côté de l’univers pour frapper la tête de Mikao Usui », comme on l’affirme dans les écoles de Reiki new-age. C’est d’un processus interne dont il s’agit, même s’il peut générer une expérience subjective au dehors, de type hallucinatoire. Il est vrai que dans les spiritualisme, c’est surtout l’hallucination qui est recherchée ; pourrions-nous ici lancer pointer un peu d’ironie.

Toutefois, dans le Taoïsme, « Ling » (identique à ce que nous lisons « Rei » en japonais dans l’idéogramme Reiki) décrit bien un processus extérieur. Il est composé notamment du signe Amé, la pluie et par extension, l’influence des astres, du cosmos et de l’univers au-dessus de nos têtes. Ce « monde du dessus » est réputé abriter des forces mystérieuses pour les nomades ; et des forces cosmologiques pour les sédentaires, que le Taoïsme voit comme des dieux, le Confucianisme comme des fonctionnaires, le Shintô comme des kamis ou le Bouddhisme sous forme d’Eléments, représentés par des Bouddhas et leurs acolytes. Nous utilisons de nos jours des formules algébriques, nos ancêtres recourraient à des images frappantes pour leur culture. Pour les Chinois, ce sont les Immortels taoïstes, sortes de fonctionnaires célestes (ci-dessous).

 

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A vrai dire, rien ne s’oppose à ce que ces personnages cultuels représentent de manière naïve ce que la science moderne appelle des fractales. C’est à dire de grands schémas sur lesquels se structure le vivant et la matière. On a même remarqué que les êtres animés se structuraient à partir du nombre cinq ; les êtres inanimés (minéraux) à partir du nombre six. Les symboles du pentagramme et de l'étoile de David font référence à cette structure. 

Ces grandes arcanes avaient déjà été identifiées par les Anciens, car le mode de pensée humain est avant tout heuristique. S’ils attribuaient des animaux ou des objets à la forme des constellations traversées par l’écliptique du Soleil ou de la Lune, qui forment ainsi des fractales naïves, ce sont surtout les cinq Eléments qui ont été au cœur des considérations. Ling (et donc Rei, dans « Reiki ») désignerait donc ces schémas célestes (douze animaux célestes du zodiaque, Immortels taoïstes, cinq Eléments), qui sont les archétypes subtils de la réalité. La matière les rend simplement visibles, à moins que la pollution introduise des distorsions vecteurs de maladies.

Ling (et donc Rei, dans « Reiki ») recoupe ainsi plusieurs sens :
- d’un point de vue archaïque : la pluie Amé, appelée par l’homme nomade (et on retrouve ici le rite shintoïste de la mise en culture du sol) ;

- du point de vue du Taoïsme chinois et du Shintô d’Etat japonais, l’influence du Ciel diffusée par l’Empereur, auquel le Bouddhisme japonais substituera le grand Bouddha Vairochana (Daïnichi Nyoraï, jap.) et sa « force de vie universelle ».

Souvenons-nous que Kurama-yama, où Mikao Usui découvre accidentellement le Reiki, est un site impérial, dans la continuité du palais de Kyoto, et le lieu de descente de Mao-son, le kami de Vénus ayant fondé la civilisation nippone.

L’idée exprimée à Kurama-yama, et dans l’idéogramme japonais Rei, se retrouve dans presque toutes les grandes civilisations où Vénus, avec son partenaire Mercure, est considérée comme la planète de la sédentarisation, comme du nomadisme. Son apparition, le matin et le soir, rythme en effet la vie des hommes. La planète Mercure, le dieu des échanges et de la connaissance, « Budha » en Inde, est donc associée en sanscrit à l’Eveil (« Boddhi »). Rei pourrait donc désigner deux formes distinctes de croyances et techniques :
- ce que nous nommons, en Occident, la « spiritualité » (dans le Shintô, Rei est le monde spirituel d’en-haut), et qui concerne normalement les nomades, et auquel a trait le Chamanisme ;
- « l’ésotérisme », pour les sédentaires (c’est à dire l’envers initiatique de l’organisation sociale, et qui est donc extra-religieux).

Cette science, dans les deux cas, s’obtient par la contemplation de la nature, dont les forces en action sont alors connues intuitivement. La Prajanaparamita, la sagesse intuitive de l’univers à laquelle Mikao Usui attribue l’effet du Reiki, en est le fruit ; qu’elle soit obtenue par la spiritualité spontanée des nomades ou l’initiation occulte et l’ésotérisme des sédentaires.

La nature est alors un livre, un symbole intégral du réel (symbole, du grec « sumbolon », réunir ce qui est, en apparence, distinct), des forces en action dans l’homme. En se connaissant soi-même, on connaît ainsi le cosmos et les dieux qui l’habitent, comme l’enseignait le fameux fronton du temple antique de Delphes en Grèce. Et vice et versà.

Comme le rappelait René Guénon :
« Dans la nature, le sensible peut symboliser le suprasensible ; l’ordre naturel tout entier peut, à son tour, être un symbole de l’ordre divin ; et, d'autre part, si l’on considère plus particulièrement l’homme, n’est-il pas légitime de dire que lui aussi est un symbole par là même qu’il est a créé « à l'image de Dieu » (Genèse, I, 26-27) ? Ajoutons encore que la nature n’acquiert toute sa signification que si on la regarde comme nous fournissant un moyen pour nous élever à la connaissance des vérités divines, ce qui est précisément aussi le rôle essentiel que nous avons reconnu au symbolisme  ».

Quant à ces grandes fractales que symbolisent les cinq Eléments, difficile de ne pas en dire un mot. Nous verrons, dans une dernière sous-section à la suite, que cette science est une merveille pour ceux qui en saisisent la portée, notamment les maçons, opératifs comme spéculatifs.

Les symboles de la méthode sont d’ailleurs en relation avec des groupes d’astres et des mouvements cosmogoniques assez évidents. Le dessin des constellations du zodiaque est à l’origine de douze idéogrammes de base de l’écriture chinoise, désignant cet index céleste du rythme de la vie. Pour les Chinois, ce cycle s’opère de « Wei », la croissance de la végétation, à « Wou », la fin du cycle et le faîte de l’ascension végétale. Rappelons que la symbolique traditionnelle associe universellement le psychisme à l’activité des végétaux ; comme tend partout à le démontrer le terme de « néophyte » désignant l’initié, dont le bandeau a été délié.

La vision du macrocosme céleste et cette projection dans le microcosme humain sont intéressantes au regard du sens à accorder à un des symboles utilisés dans la méthode de soin à distance du Reiki. En effet, la prononciation japonaise en est Hon-Sha-Ze-Sho-Nen, de : Hon, l’origine ; Sha, l’être vivant ; Ze, le « dharma » au sens d’entité ou d’identité essentielle ; Sho, la perfection et Nen, l’actuel ou le cœur.

Les idéogrammes utilisés pour parvenir à ce signe sont issus du mandarin. Comme bons nombres de signes chinois, ils reprennent le dessin des constellations : ici du Cancer au Poisson (du Serpent au Tigre en astrologie chinoise). C’est à dire, à rebours du sens annuel, de l’Eté, pinacle de la végétation, au Printemps, son impulsion première représentée par « Hai », l’homme et la femme au foyer manipulant la navette à tisser.

Le sens du symbole serait de ramener la végétation, donc le psychisme, à la source de l’impulsion de vie et au tissage originel du monde dominé par la polarisation masculin / féminin, ou Yin / Yang. La tradition orale du Reiki confirme cette intention.

Quant au tissage de la réalité, nous retrouverons cet aspect dans les mouvements directionnels du Tantrisme bouddhique. Le centre subtil du cœur y apparaît comme le siège de l’âme, du psychisme, où la volonté doit unir en ce point du corps les deux polarités du mouvement cosmique créateur : vie et mort, ciel et terre, haut et bas, droite et gauche, masculin et féminin ainsi que tous les antagonismes. C’est parce que ce point du cœur, où la dualité cesse, n’est plus atteint, ou que son influence ne fait plus ressentir sur la pensée, les émotions et les processus corporels, que les maladies psychiques, puis physiques, apparaissent.

En ramenant le méditant dans ce centre du cœur, le Reiki vise à dépolariser les antagonismes et à rétablir dans le corps un fonctionnement de son énergie subtile sur le modèle de la nature, et même des grands schémas à l’œuvre dans le vivant. Cette « énergie subtile » interne est ce que les Chinois nomment Tchi, et qui se trouve être présent dans l’idéogramme Reiki (Ki est donné comme la traduction japonaise de Tchi).

 
II. Le Tchi, la substance subtile des êtres.

Le Tchi, dernier élément du ternaire de l’idéogramme Reiki, est en rapport avec cette énergie du cœur que nous venons de décrire ; ici encore comme base de l’activité psychique. Il est analysé en Chine au travers de la doctrine des cinq Eléments, que nous avons envisagée plus haut, en un tableau dit des « Dix Troncs ».

Ici, les considérations ne sont pas inspirées de l’état naturel, comme dans la dynamique duodénaire que nous avons présentée à propos de Ling / Rei (voir plus haut), mais du cycle des cultures :
« Les caractères des Dix Troncs se présentent comme groupés en une liste qui est un résumé de l’histoire des plantes (nda. cultivées) au cours de l’année, reflétant les préoccupations d’un peuple d’agriculteurs sédentaires. Cette connotation agricole des idéogrammes ne se retrouve pas dans le cycle duodénaire, d’inspiration essentiellement nomade  ».

Le cycle commence avec « I », le premier tronc, lié à l’élément Bois (deux troncs par élément) et représentant la poussée du germe pour se libérer. Il finit avec « Ping », l’impulsion intériorisée et le feu devant la maison. Le mouvement est clair de la germination à la moisson, suivi de la mise au grenier du grain et la destruction par le feu de la balle des céréales. Il s’agit donc ici d’une parabole, comme celles qu’utilise Jésus dans les Evangiles, ici destinée à des agriculteurs sédentaires.

Cette vision est intéressante si on la rapporte au second symbole du traitement à distance du Reiki. Dans l'écriture japonaise, sa prononciation « Sei-He-Ki » ou « Sei-Hei-Ki » signifie « aller au cœur de la tradition », revenir au centre, vers ce qui est droit, à la vérité et à la réalité ultime pour éliminer les pensées déviantes et les émotions perturbatrices. Le symbole permet, selon la tradition orale, de distinguer, au sein de nos états psychiques, le bénéfique du pathologique. Gardons en conscience que pour Usui :
« Si notre façon de penser est saine et conforme à la vérité, le corps conserve naturellement sa bonne forme ».

Dans ce contexte des moissons, Sei-He-ki revient à engranger le bon grain et brûler le résidu ; allégorie de l’hygiène comportementale. Nous en reparlerons dans le cadre bouddhiste à propos des « vents karmiques ». Toutefois, en Chine, les états psychiques engendrés par une perturbation du système des cinq Eléments (soit du fait du lieu, soit du fait du temps, soit du fait d’une mauvaise hygiène), sont réputés facteurs de « kouei » et de « po » ; termes improprement traduits par « démons ». Dans le contexte chinois, ils marquent sur le système subtil des méridiens l’effet d’une pensée ou d’une émotion peu adéquates. Cette « marque » perturbe la circulation naturelle du Tchi et est la source même de la maladie.

Ces éléments pathogènes doivent être extériorisés par la transe (comme dans le chamanisme) ou les exorcismes (des religions). A défaut, ils s’installent, perturbent le fonctionnement du corps et produisent la maladie. Selon cette manière de voir les choses, les cellules cancéreuses ne sont que de simples éléments de notre propre corps ayant oublié leur programme génétique (ADN) de naissance, vie et mort. En se maintenant, elles désorganisent l’activité cellulaire normale, puis tout le fonctionnement organique. L’issue de cette action pathogène est la mort, à moins d’exorciser la tumeur cancéreuse par de la chirurgie. La médecine chinoise n’attend pas que la maladie soit devenue physique : elle agit alors que le dysfonctionnement apparaît au niveau subtil, sur le trajet du Tchi dans le corps.

Cette action de guérison au niveau subtil est le propre des indications, de la médecine chinoise, sur la manière de remettre en route le fonctionnement normal des « essences neurales » et le système de circulation du Tchi. Les nomades le faisaient par des invocations ; les sédentaires doivent faire appel à la diététique, à la pharmacopée, à l’acuponcture et au final même parfois à la chirurgie. En replaçant le malade dans la perspective du nomadisme, comme le fait l’Empereur pour la collectivité lors des rites publics ou l’Impératrice dans les cercles initiatiques occultes, le Reiki vise à cet exorcisme et à ce rétablissement du fonctionnement normal du Tchi dans le corps. Il le fait par ces invocations que sont les symboles et les autres pratiques orales du Reiki.

L’imposition des mains demeure une technique plus mystérieuse encore, puisqu’elle suppose une médiation par celui qui transmet le soin de quelque influence extérieure. Toutefois, nous avons bien rappelé préalablement que pour les Chinois, les astres sont de simples index célestes de mécanismes internes. De même, il n’y a pas, dans le cadre du Taoïsme, de « force universelle » extérieure, que le pratiquant de Reiki canaliserait. Le processus est interne : il s’agit pour le praticien d’éveiller dans le corps du patient, son propre pouvoir d’auto-guérison.

Mikao Usui est très clair sur cette médiation, et non sur le fait que le praticien n’est pas le « canal » d’une force venue d’on ne sait où. Il précise dans son interview (consignée au manuel de soin) :
« Tout être a un pouvoir de guérison. Les plantes, les arbres, les animaux, les poisons, les insectes, et spécialement l’homme qui a une place un peu à part dans son environnement. La méthode de soin naturel Usui aide à manifester ce pouvoir inhérent à tout être humain (...) Tout homme, femme, enfant, jeune ou vieux, tout le monde peut recevoir l'initiation de Reiki, soigner autrui et se soigner (...) On peut penser que ce n’est pas envisageable d’acquérir un tel pouvoir en peu de temps, pourtant, nous le faisons et avec raison ».

Et puisque nous venons de considérer le rôle social de l’Empereur, il nous reste à donner quelques explications, son idéogramme chinois (Wang) apparaissant entre Amé et Tchi, dans le kanji « Reiki ».
 


III. Le Wang, régulateur de l’ordre cosmique.

Le principe de régulation qu’incarne le Wang, l’Empereur, dans l’édifice social chinois, trouve sa correspondance dans le corps. Ainsi, il s’agit de la même structure qui organise l’externe et l’interne. Il convient de ne pas perdre de vue cette ambivalence.

Lorsque le terme est utilisé pour former l’idéogramme Reiki, sur la base du chinois Amé+Wang+Tchi, c’est donc du processus interne dont il s’agit. Pour autant, la description du Wang externe qu’est l’Empereur permet de mieux saisir la fonction interne visée par Mikao Usui, lorsqu’il utilise cet idéogramme.

 
A. Le Wang externe, l’Empereur.


Le Wang, l’Empereur ou « Roi du Monde » (d’un point de vue relatif à chaque civilisation) est placé en Chine en un palais, qui se veut le centre et la synthèse de tout l’Empire. Ainsi, la maison commune est comme une prolongation du corps du souverain ; ce qui affecte l’un affectant l’autre.

La construction du palais, et donc de l’Empire, est calquée sur les phases de la Lune (un carré à huit cases autour d’un centre, appelé Ming-Tang). L’astre nocturne, qui est masculin et le siège des ancêtres virtueux dans la doctrine chinoise, est traditionnellement le maître du mouvement de l’eau. C’est en effet l’Empereur qui est le gardien de la fertilité, lui qui préside aux rites d’innondation des champs. Rappelons que les Chinois cultivent du riz, dans des parcelles innondées. On retrouve d’ailleurs cette fonction en Egypte, où le Pharaon ordonne les crues du fleuve Nil. Quant au corollaire de l’eau, le feu est sous la garde de l’Impératrice, maîtresse du « foyer ». C’est de là qu’elle anime les cercles initatiques occultes pour son époux. Sous cet aspect igné, le couple impérial est désigné par le terme de « Daï Komyo », la grande lumière brillante centrale. Or, il se trouve que c’est par l’invocation de cet aspect impérial à l’aide de l’idéogramme chinois Daikomyo, que l’initation de Reiki est transmise.

Cette double fonction de « magicien de l’eau », donc de maître de la fertilité agricole, et de « magicien du feu », donc de maître de la fin du cycle des cultures, est intéressante. Tout d’abord, l’idéogramme Wang, désignant l’Empereur, suit celui de la pluie, Amé, dans le kanji du Reiki utilisé par Mikao Usui. L’institution impériale est ainsi celle qui fait la pluie et le beau temps ; tout autant que celle qui illumine. Or, on ressent bien lors des soins de Reiki une impression de chaleur et de circulation interne, semblable à celle d’un liquide. Nous y reviendrons au tome 3 à propos des aspects cliniques du Reiki et des postulats scientifiques invoqués pour en expliquer les effets.

Un autre aspect est également caractéristique dans le Reiki : le troisième symbole du traitement à distance (Chokurei). Ce terme, et l’idéogramme qui y correspond, désignent normalement l’édit impérial, et particulièrement celui de vie et de mort. Le Chokurei est ainsi l’acte par lequel l’Empereur donne toute vie mais aussi soustrait le flux vital d’un être ; il est même réputé le faire par un simple regard. A l’époque classique, il était ainsi interdit de regarder l’Empereur sans son autorisation, sous peine de mort ou d’ostracisme.

La tradition orale du Reiki indique que le symbole en question (Chokurei) aurait été tiré d’un mouvement des alchimies internes taoïstes nommé : « retour au vide ». Il indiquerait alors un pouvoir d’annihilation, contraire au mouvement cosmique créateur. Ce serait donc un symbole de destruction permettant un retour au vide originel ; idée issue de la doctrine métaphysique chinoise et de sa cosmogonie. La manipulation du symbole rappelle d’ailleurs un rituel taoïste d’exorcisme, où la spirale en sens anti-cosmique annihile les influences nocives, en les ramenant dans le vide originel. Dans le Bouddhisme Shingon du Japon, le rituel de Fudo-myo-o , une divinité tantrique, met en œuvre le même geste. On en retrouve d’ailleurs une version christianisée dans les écoles de Reiki new-age. La technique de « la boule de miroirs avec la flamme de St Germain et l’épée de St Michel » est une parodie du rituel nippon.

Ce pouvoir de vie et de mort est donc détenu tout autant par les initiés du Taoïsme que l’Empereur ; ce qui est logique si l’on tient compte de la double circulation des influences dans l’Empire. L’Empereur diffuse les influences célestes (donc descendantes), mais il reçoit aussi les offrandes matérielles (donc ascendantes) qu’il est chargé de livrer au Ciel (il opère alors un tri entre ce qui est présentable et ce qui, au contraire, doit être escamoté).

On est ici au cœur d’un rite présent chez les Indo-Européens, que l’Inde a mis en scène dans son mythe du « Soma ». René Guénon donne des indications (à la suite en citation), qui permettent de comprendre de quoi il s’agit dans la judéo-tradition chrétienne, qui nous est plus familière. Le Wang, c’est à dire l’Empereur (qui est alors qualifié de « Roi du Monde »), y apparaît sous les traits de « Melchissédec », un personnage biblique bien énygmatique pour qui ne connaît pas la doctrine chinoise :
« Le nom de Melchissédec, ou plus exactement MelkiTsedeq, n’est pas autre chose, en effet, que le nom sous lequel la fonction même du « Roi du Monde » se trouve expressément désignée dans la tradition judéo-chrétienne (…) Voici d’abord le texte même du passage biblique dont il s’agit :
« Et Melki-Tsedeq, roi de Salem, fit apporter du pain et du vin; et il était prêtre du Dieu Très Haut (El Élion). Et il bénit Abram, disant Béni soit Abram du Dieu Très-Haut, possesseur des Cieux et de la Terre; et béni soit le Dieu Très-Haut, qui a livré tes ennemis entre tes mains. Et Abram lui donna la dîme de tout ce qu'il avait pris. »


Melki-Tsedeq est donc roi et prêtre tout ensemble ; son nom signifie « roi de Justice », et il est en même temps roi de Salem, c’est-à-dire de la « Paix »; nous retrouvons donc ici, avant tout, la « Justice » et la « Paix », c'est-à-dire précisément les deux attributs fondamentaux du « Roi du Monde » (…) ceci rattache directement l'histoire de Melki-Tsedeq à celle des « Roi-Mages » (…) le sacerdoce chrétien, qui d'ailleurs comporte essentiellement l’offrande eucharistique du pain et du vin, est véritablement « selon l'ordre » de Melchissédec ».

On retrouve ici les deux fonctions impériales :

- La Paix sociale, que l’Empereur obtient en diffusant l’influence spirituelle du sommet de la société où il se trouve vers sa base, formée par le peuple. Cette paix est dans le contexte occidental symbolisée par le vin et dans le Reiki, par l’idéogramme Amé, la pluie ou l’influence céleste. 

- La Justice, que l’Empereur exerce en retranchant le flux de la vie de ceux qui sont hostiles à la collectivité ou les monstres qu’elle produit parfois. Cette justice est symbolisée par le pain, qui est produit par la base mais n’est distribué qu’à ceux en accord avec la collectivité en temps de disette. Une sanction s’exerce alors de son fait. Dans l’idéogramme Reiki, cet aspect est signé par le signe Tchi, l’énergie interne, qui présente un double aspect pervers et bénéfique. Rappelons que l’idéogramme Tchi est formé sur les traits d’un grain de riz explosant sous l’effet de la cuisson. C’est donc à l’activité interne de l’homme, émotionnelle et mentale, à laquelle il est fait allusion. Mikao Usui, rappelons le encore, considère que la première chose que nous ayons à faire pour nous soigner et de corriger notre pensée, en la rendant saine et conforme à la vérité.

Dans l’idéogramme Reiki, le signe (Wang) de l’Empereur, est encore surmonté de trois petits carrés, représentant trois bouches ouvertes. Cet élément fait défaut dans l’idéogramme chinois habituel. Est-ce à dire que l’on est bien en présence de la même fonction que celle de l’Empereur, avec une double mission du praticien de Reiki de diffuser une influence spirituelle et de sanctionner les influences nocives, subersives, stationnées dans les émonctoires du corps ?

Les trois bouches surmontant le signe du Wang sont comme celles d’êtres qui reçoivent l’influence céleste, la transmettraient à l’Empereur et l’incorporeraient au Tchi, au psychisme. Cet idéogramme représente alors non pas seulement l’Empereur, mais les praticiens d’alchimie interne taoïste, qui l’entourent et qui lui servent de relais dans l’organisation initiatique. L’idéogramme désigne également au Japon les chamanes du nomadisme, antérieur à la civilisation japonaise, mais qui se sont maintenus en marge de la société, et notamment dans le culte du Shintô.

Cette caractéristique a incité quelques praticiens à présenter le Reiki comme un produit du chamanisme nippon. On ne peut nier un lien avec le Reiki, puisqu’il s’agit du même mécanisme. Toutefois, ce lien n’est pas initiatique, Mikao Usui affirmant n’avoir été initié au Reiki par quiconque. Ceci devrait mettre un terme à la polémique sur le caractère chamanique et shintoïste du Reiki. Le Reiki n’est pas une forme de sorcellerie ; mais au contraire un des aspects de l’influence impériale. Il nous semble l’avoir assez démontré, notamment parce que les poésies de l’Empereur tiennent une place importante dans la pratique nippone du Reiki.
 
B. Le Wang interne, les alchimies taoïstes.

Nous avons vu que, dans la structure initiatique taoïste, l’Empereur était le fondement d’une assemblée de maîtres éveillés, chargés de véhiculer son influence individuellement, en parallèle des rites publics.

Nous sommes donc invité à exposer maintenant quelques considérations sur ces fameuses alchimies internes taoïstes ; Mikao Usui ayant utilisé « tanden » dans son manuel de soin, terme issu de ce type d’initiations et d’autres éléments du Reiki étant également visiblement tirés de la médecine chinoise.

En France, Jean-Pierre Krasensky, maître taoïste Ch’an (équivalent chinois du Zen) du Courant de la Montagne d’Or au Temple de la Porte de Dragon, interrogé sur la définition de l’alchimie interne taoïste, l’a définie comme suit :
« Depuis la nuit des temps, l’alchimie interne est une pratique prisée par les sages taoïstes. Le but de ces pratiques, où le Jing, l’énergie sexuelle, a un rôle prépondérant, est d’atteindre l’immortalité par la réalisation spirituelle de l’ici et maintenant … Le premier travail de l’adepte va consister à préparer son laboratoire, travail qui se fait selon les principes de la méditation telle que l’ont enseignée les maîtres du Bouddhisme Ch’an à leurs élèves depuis des millénaires. Cette pratique de la méditation doit conduire progressivement l’adepte à l'état de Wou-Wei, non-être non agir, état où le temps et l’espace n'ont plus d’existence réelle  ». 
 
Les études qui ont été publiées sur l’alchimie chinoise font état d'un syncrétisme si complexe qu’il est vraiment indispensable, pour bien les comprendre, de posséder une bonne connaissance non seulement du Taoïsme mais aussi du Bouddhisme et d’autres écoles orientales comme le Védisme et le Tantrisme indo-tibétain. C’était certainement le cas de Mikao Usui, si l’on en croit la stèle de Saihoji. Pour présenter l’alchimie interne et son système sophistiqué des énergies inspiré du Yi-Tching, nous allons donc tenter de donner à la suite un succinct panneau d’ensemble de la mentalité chinoise.

Premièrement, la pensée écologique est au cœur des considérations de la tradition chinoise. Trois siècles avant J.-C., le sage Zhuang Zi nommait déjà l'espace entre Ciel et Terre « Grande Maison », en référence à la doctrine du Tao. Pour le Taoïsme, en effet, la compréhension par l'homme de sa destinée terrestre, et de la providence céleste qui peut s’y manifester, s’appuie sur une observation minutieuse des phénomènes naturels pour assimiler le fonctionnement de la nature humaine elle-même et ensuite exercer sa volonté selon leurs règles. Cette observation est à l’origine des théories du Yin / Yang et des « cinq mouvements » (qui se manifestent ensuite sous la forme des cinq Eléments, que nous avons présentés au tome 1 à propos des cinq Principes du Reiki).

Deuxièmement, toute action passe par la connaissance et le respect de cette écologie : connaissance des lois du Ciel (le système duodénaire) et de la Terre (les cinq Eléments et les dix Troncs). A ce titre, l’ouvrage central de la médecine chinoise, le Nei-Jing, rédigé vers l'an 300 av. J-C, précisait l’importance d’une action régulée selon l’ordre naturel :
« Pour connaître ce qui est au-dessus, il y a l’astrologie (le Tao du Ciel). Pour connaître ce qui est au-dessous, il y a la géobiologie (le Tao de la Terre), tandis qu’entre les deux, il y a l’humanité. Comprendre cela donne longue vie. Si on ignore les lois du Ciel et de la Terre, cela provoque des désastres » ;
et
« La Terre, bien que de vaste dimension, est soutenue dans sa course à travers l’espace par des forces invisibles qui la maintiennent et la contrôlent. Si ces forces peuvent s’exercer sur une masse aussi importante que la terre, combien puissante doit être leur influence sur l'homme ! D’égale ampleur sont les forces de la terre qui luttent pour rester en équilibre et en harmonie avec les forces cosmiques : ce sont le Yang du Ciel et le Yin de la Terre, d’une même puissance impressionnante. Chacun contrebalance l'autre pendant la formidable pulsation des saisons : flux et reflux, avance et recul se font à l’unisson. C’est dans le tourbillon de leur rencontre à la surface de la terre que se forme la vie, et c’est par leur confrontation que se produit la transformation des cinq mouvements (Wu-Xing). C’est au moment de cette jonction que la vie de l’homme apparaît, soutenue par la montée constante du Yin et la descente du Yang  ».

On retrouve ici les deux mouvements ascendant et descendant dont l’Empereur détient la clef, et que nous avons présentés plus haut. Ici, l’influence spirituelle est donc Yang, masculine ; et l’action subversive ou ascendante est féminine, donc Yin. Les deux doivent s’équilibrer pour que l’organisation sociale, à l’extérieur, et la santé, à l’intérieur, se maintiennent. Le couple impérial assume cette double fonction. A défaut, l’écologie de la société et du corps sont menacés et des maladies font leur apparition, d’abord subtile, puis psychiques et enfin physiques. Mikao Usui ne rappelait-il pas que sa méthode consiste premièrement, et avant de se soucier du corps, à maintenir sa pensée saine et conforme à la vérité ?

Troisièmement, la médecine traditionnelle chinoise voit ainsi l’homme comme un système vivant ; vibrant au rythme de l'univers qui l’environne et de ses lois. Chaque individu constitue un paysage particulier, et le médecin le regarde comme un peintre examine une toile. Le teint du visage, l’expression des émotions, les manifestations de la douleur, l’aspect des pouls expriment la nature propre à chacun. Si on est en bonne santé, le paysage est beau. Si on est malade, la peinture est laide.

Les premières traces d’Alchimie interne connues pourraient dater de l’époque des Han (3ème siècle av. J-C ) ; apparaît alors dans les textes le terme caractéristique de « champ de cinabre ». Dans le manuel de soin remis par la Usui Reiki Ryoho Gakkaï de Tokyo, et qui avait été mis au point par Mikao Usui, il est fait mention pour les soins d'une imposition des mains au niveau d'un mystérieux « tanden », situé sous le nombril. Le terme a beaucoup gêné lors de sa première traduction (vers l'allemand) ; à ce point qu’il a été conservé tel quel. Il s’agissait en fait d’un des « dan-tian » taoïstes ou « champs de cinabre ».

On peut dire sans abus que cet aspect du Taoïsme a été d’une extrême importance dans l’évolution de la science chinoise qui, comme en Occident, a connu une décadence qui l’a menée de conceptions traditionnelles, attachées au monde intermédiaire du médiateur, à des préoccupations uniquement matérialistes, comme celles de notre chimie industrielle. Ne parlait-on pas encore au 17ème siècle des « brûleurs de charbon » pour distinguer les fabriquants de produits chimiques des authentiques alchimistes ? Lorsque l’on parle d'alchimie, on pense d’ailleurs immédiatement au travail sur les métaux. Toutefois, la véritable alchimie se moque des métaux externes ; puisque le noir charbon qu’elle doit brûler, pour alimenter sa forge intérieure, ce sont les résidus des passions dans le corps. De là, certains points clefs sur les canaux subtils sont amenés au « rouge » pour les libérer des conséquences de l’absence de médiation entre Ciel et Terre ; comme ces koueis et po que nous décrivions plus haut et qui sont des résidus du désordre dans les cinq Eléments.

Dans « tanden », ou plutôt « dan’tian » en chinois (également translitté « tant’tien »), « dan » désigne ainsi le cinabre - ou sulfure de mercure - proprement dit, et « tian » son lieu de résidence. Les trois champs sont donc trois points précis du corps, où s’effectue une purification énergétique particulière. Ce sont les champs :
1 – inférieur, au nombril ou « chaudron d’argent » contenant l’essence sexuelle Jing ;
2 – moyen, au niveau des cœur et plexus solaire contenant le souffle subtil Tchi ; et
3 – supérieur, de la tête ou « palais de cristal » réceptacle du Chenn, l’information venue de l’univers. La colonne vertébrale se mue alors en pilon de diamant.

Le premier champ est considéré comme la racine. Le Jing, l’énergie sexuelle et ancestrale, s’y manifeste sous la forme de cinq essences élémentales colorées, sur lesquelles le pratiquant travaillera à l’aide de sons et de symboles (« Koua »). Au début de la pratique, l’exercice consiste à former une boule de Jing au premier dan’tian, puis à la faire circuler dans le corps le long des deux principaux méridiens de l'acuponcture. L’objectif est d’alimenter en force le Tchi au cœur et de lui permettre de se mettre en syntonie avec le Chenn au crâne ; c’est à dire d’ouvrir notre conscience à son environnement pour la sortir de ses ratiocinations.

Les deux méridiens en question, disposés en boucle autour du corps, forment ce que les Taoïstes appellent « l’orbite microcosmique ». Qu’est-ce donc ? Selon maître Mantak Chia :
« Les Maîtres taoïstes antiques découvrirent, grâce à la méditation, que le corps humain est parcouru par un courant énergétique. Ils établirent que ce flux énergétique suit un circuit déterminé, constitué de soixante méridiens principaux et d’à peu près trois cent soixante points, ou centres énergétiques, où le Tchi se rassemble et se condense. C’est ce flux énergétique qui nous réapprovisionne en énergie vitale. Nos centres énergétiques ont un pôle positif et un pôle négatif, qui font tourbillonner des roues éthérées d'énergie. Ces points sont les foyers où les énergies extérieures peuvent être attirées, absorbées et transformées en énergie vitale (…) Chaque point produit son type d’énergie pour attirer ou repousser le Tchi produit par les autres centres du corps, et diriger le flux énergétique de façon à connecter ces points entre eux, et à fournir l’énergie adéquate au corps entier (…) Les nombreux méridiens d’acuponcture du corps servent de câblage et guident l'énergie vitale vers organes et les glandes pour les nourrir  ».

En effet, parmi les huit méridiens curieux où circule l'énergie Tchi dans le corps, deux diffèrent des autres par ce que le Tchi y circule en permanence, et qu’ils possèdent leurs propres points d’acuponcture. Ce sont les allodromies « Tou-Mo » (le Vaisseau Gouverneur – V.G.) et « Jenn-Mo » (le Vaisseau Conception – V.C.). Le premier est Yang, le second est Yin, assurant respectivement le cheminement du Tchi dans les parties postérieure et antérieure du corps. Le cercle formé par ces deux vaisseaux est un circuit énergétique très utilisé dans le Tchi-Kong (le Ki-Ko au Japon). Le but de la pratique est de faire circuler l’énergie dans cette boucle pour équilibrer les tendances du Yin et du Yang. On retrouve donc le principe de régulation, détenu par le Wang.

La boule de Jing, destinée dans l’alchimie taoïste à renforcer le Tchi pour le rendre accessible au Chenn et formée dans le dan’tian inférieur comme nous l’avons dit, est intégrée à cette boucle et chemine d’étape en étape. Petit à petit, le Tchi va se manifester sous huit formes, représentées par un animal mythique et avec lesquelles le pratiquant apprendra à jouer en les mimant. Le yoga de l’Inde met identiquement en scène des postures spontanées de catharsis pour produire artificiellement un même effet de nettoyage des canaux subtils. Ces formes sont les attitudes mentales et émotionnelles de base décrites par les huit trigrammes de base du Yi-Tching ; telles qu’elles apparaissent aprés la polarisation Yin et Yang dans le processus de cosmogénèse.

L’alchimie d’ouverture du Tchi au Chenn se fait ensuite en cinq étapes, en relation avec l’Etoile polaire à cinq branches (on sait son importance pour le clan Usui-Chiba qui en avait fait son signe héraldique), les énergies des cinq Eléments, les Trois Pures, le Yin et le Yang primordiaux, et le Wu-Chi (le Vide originel). A partir de ce moment là, l’adepte a suffisamment fait l’expérience des diverses formes de l’énergie (Jing, Tchi et Chenn) pour utiliser les méthodes de transmutation des émotions perturbatrices en énergie de guérison (sons de guérison et projections sensorielles). Il est capable de produire à l’extérieur des transmutations métalliques, comme celles attribuées au maître de Reiki Hawayo Takata. Est-ce à dire que Mikao Usui avait étudié tout cela et réalisé une telle méthode ?

Dans une autre technique, l’adepte taoïste médite sur une « Lumière Blanche », associée avec la planète Vénus et décrite comme le « Grand Lumineux Blanc » dans les dharanis chinoises. Ceci n’est pas très éloigné du symbole d’initiation au Reiki (Daikomyo, grande lumière brillante) et des fonctions du site de Kurama-yama (Mao-son est le kami civilisateur de Vénus). Au final de cette méditation, le pratiquant est réputé devenir le « canal » des influences de l’univers ; c’est à dire l’égal de l’Empereur. N’est-ce pas là, en termes taoïstes, une description de l’expérience de Mikao Usui à Kurama-yama ?

Maître des canaux d’énergie à l’intérieur de son corps (les forces subtiles internes), il peut également agir à l’extérieur sur les forces planétaires, notamment par l’usage de sons sacrés liés aux cinq Eléments. Il manifeste alors une activité de médiation qui est à proprement parler le Tao, ou « Voie du Milieu », et dont la fonction revient socialement à l’Empereur. Du fait de cette connexion, le Taoïsme le qualifie d’homme de l’univers ou « Homme Universel ».

L’identification du Wang à cet Homme Universel se trouve confirmée par les textes antiques, tels ce passage de Lao-Tseu :
« Le Ciel est grand ; la Voie est grande ; la Terre est grande ; le Roi (Wang) aussi est Grand. Au milieu, il y a donc quatre grandes choses, mais le Roi (Wang) est le seul visible  ».

Si le Wang est donc essentiellement un Homme Universel, celui qui remplit la fonction d’Empereur devrait, en principe tout du moins, s’identifier avec le canal central ou Voie du Milieu ou Tao ; c’est à dire à l’axe de médiation avec le Ciel représenté par le mât du char, le pilier du Ming-Tang (le Temple de la Lumière) ou par tout autre symbole équivalent.

René Guénon notait les analogies entre la fonction et l’idéogramme du Wang (le trigramme Yang du Yi-Tching barré d’un trait vertical) :
« Ayant développé toutes ses possibilités aussi bien dans le sens vertical que dans le sens horizontal, il (l’empereur) est, par là-même, le « Seigneur des Trois Mondes » (nda. ciel, terre, domaine intermédiaire), qui peuvent ainsi être représentés par les trois traits horizontaux du caractère Wang ; et il est encore, par rapport au monde humain en particulier, « l'Homme Unique » qui synthétise en lui et exprime intégralement l'humanité (envisagée à la fois comme nature spécifique, et comme collectivité des hommes, au point de vue social), de même que l'humanité, à son tour, synthétise en elle les « dix mille êtres », c'est à dire la totalité des êtres de ce monde  ».

C’est pourquoi l’Empereur, bien qu’inactif d’un point de vue utilitariste, sa vie étant un rituel permanent de nomade apparemment déconnecté des réalités humaines et de ses nécessités biologiques, est tout de même le « régulateur » de l’ordre social. Lorsqu’il remplit la fonction de médiateur, ce sont en réalité tous les hommes de la société qui la remplissent en sa personne et retrouvent cette connexion avec l’univers, enfermés qu’ils étaient par la sédentarité dans leurs habitudes émotionnelles et leurs ratiocinations mentales.

En Chine, seul l’Empereur pouvait dès lors accomplir les rites publics correspondant à cette fonction de Wang, et notamment offrir le sacrifice au Ciel qui en est le type même ; c’est là que son rôle du médiateur s’affirmait de la façon la plus matériellement perceptible par le peuple. Toutefois, dans les cercles alchimistes, ces mêmes rites étaient exécutés à l’identique ; mais dans le secret. Et même lorsque des Empereurs, peu conscients de leur rôle et de celui de l’Impératrice, ont entendu les interdire, ce fut en pure perte.

Nous avions précédemment envisagé le rite romain du banquet, curieusement assez semblable au sacrifice au Ciel taoïste. Il se pourrait bien que, en interne ou secrètement, la méthode de Mikao Usui relève du rite alchimique, le terme même de Reiki désignant : Rei en Japonais et « Ling » en Chinois, l’univers ; et Ki ou Tchi, la dimension subtile de l’être humain en relation avec son cœur. Est-ce donc une activité de médiation, semblable au rite social de l’offrande au ciel ou à sa dimension secrète, qu’envisage le Reiki entre l’univers et le psychisme des pratiquants ? Mais ici par une imposition des mains et des méditations, et non un spectacle ou une fête entre intimes se laissant aller de manière courtoise à leurs instincts naturels.

Soulignons encore, en rapport avec ce rapprochement, que le symbole d’initiation au Reiki, Daikomyo ou « Da-Guang-Ming » en langue chinoise, désigne la lumière émanant du palais impérial Ming Tang, alors que l’empereur y exécute certains gestes et invocations sacrés lors de l’année rituelle.

L’intention de médiation des règles de la sédentarité chinoise et du Ling Tchi est avérée d’un point de vue anthropologique. Toutefois, la réalité de son effet, pour la valider sans conteste et étendre cette validité au Reiki, reste à établir par un moyen d’investigation scientifique, ne relevant ni de l’ésotérisme, ni d’une organisation collective humaine précise. Et la doctrine impériale, quelle qu’en soit la valeur, ne s’établit pas selon les canons de la science moderne ; mais ceux de la croyance sociale.

Pourtant, Mikao Usui a voulu écarter, en introduction à son manuel de soin, la nécessité de croire dans le Reiki pour en éprouver les effets. Il y écrit en réponse à question « Dois-je croire dans le soin naturel Usui pour obtenir de meilleurs résultats ? » :
« Non, ce n’est pas une méthode de traitement psychiatrique, d’hypnose ou de manipulation mentale. Il n’est pas nécessaire d’avoir une croyance préalable ou de l’admiration pour le Reiki. Le fait que vous rejetiez, déniez ses effets ou doutez du Reiki n’à aucune importance pour le traitement. Par exemple, le Reiki est efficace sur les enfants et les patients très atteints et qui n’ont aucune conscience active leur permettant de douter, de rejeter ou de nier les effets du Reiki. Il y a probablement une personne sur dix qui croit dans ma méthode avant le traitement. Comme la plupart en tire du bénéfice dés le premier traitement, ils se mettent à croire dans la méthode ».

Nous devrons donc rechercher la preuve de l’efficacité du Reiki ailleurs ; par exemple dans les deux aspects cliniques les plus connus du contexte taoïste comme le massage et l’acuponcture.

Dans le manuel de soin remis par la Usui Reiki Ryoho Gakkaï de Tokyo, et qui avait été mis au point par Mikao Usui, il est fait d’ailleurs mention de trois des cinq pratiques de bases du « Tui-Na / An-Mo », la science des massages chinois qui est tirée des connaissances taoïstes sur l’Alchimie interne : lissage, pétrissage, plissage, effleurage et frottement.

La source la plus ancienne de ces massages remonte également au traité de médecine Huang Di Nei Jing, où il est fait mention de douze techniques et de leurs applications thérapeutiques. A cette époque elles étaient appelées « an-mo », presser et frotter. Ce n’est qu’au 2ème siècle que fut rajouté l'usage de plantes et d’élixirs (huiles essentielles et quintessences florales).

Au 7ème, la technique devient officielle et réglementée. Entre les 10ème et le 14ème, elle fit ses preuves comme médecine de guerre, et enfin, sous les Ming (jusqu'au 17ème), elle se développa à ce point qu'elle fut appelée « Tui-Na » (poussée et reprise) et se sépara de la pratique médicale à proprement parler pour former une science comme celle de la kinésithérapie moderne. Comme l’ensemble de la culture chinoise, le Tuina fut « nipponisé » ; présentant alors au Japon des altérations et des innovations qui lui sont propres.

Pour ce qui est de l’acuponcture chinoise, elle prend sa source dans les considérations de l’écologie et les massages. Tandis que la diététique agit par le biais de l'alimentation, c'est en relation avec les rythmes de l'astrobiologie (rapports Soleil et Lune, astres que l’on retrouve au bas du caractère chinois « Ming » de l’idéogramme d’initiation au Reiki) que le traitement par acuponcture entend agir sur les systèmes nerveux et neurovégétatifs et de là provoquer une réaction au niveau des trois humeurs corporelles vent, feu et eau.

Rien qu’au niveau de l’effet du Soleil sur la vie, la science moderne enseigne que les photons du rayonnement solaire ont une influence considérable sur toutes les cellules vivantes, par exemple en ce qui concerne le règne végétal sur la photosynthèse. Le rayonnement de l’univers influe également en tant que source d’électrons ; et c’est sur cette base que les Chinois ont observé et pensé que ces rayonnements pouvaient être captés, adaptés par des synthétiseurs organiques pour être utilisés comme catalyseurs physico-chimiques. Des centres corporels agissant comme de tels capteurs / synthétiseurs ont alors été identifiés par les Anciens ainsi qu’un réseau permettant de catalyser le rayonnement de l’univers dans tout le corps humain pour agir sur sa chimie moléculaire : ce sont les centres d'énergie dan’tians de l’alchimie interne et les méridiens d'acuponcture. Nous en avons déjà dit quelques mots.

La science moderne est parvenue à mettre en évidence cette architecture subtile en y introduisant une substance radioactive pour la rendre lisible mécaniquement, conformément à la mentalité matérialiste. C’est tout de même significatif que l’homme moderne doive adapter son champ de conscience à celui des machines qu’il a créées et ne puisse plus rien voir sans ces prothèses ; ce qui faisait dire à F. Schuon :
« La mentalité moderne, c’est le plus prodigieux manque d’imagination qui se puisse imaginer ».

L’acuponcture justifie son action en postulant qu’il est possible d’agir sur la façon dont le rayonnement de l’univers est capté, adapté et catalysé par les récepteurs organiques (centres d'énergie et méridiens) et, de là, possible de modifier l’énergie biologique du corps (le Tchi ou souffle interne) ; c’est à dire d’amplifier cette fonction dans le but de renforcer l’énergie interne. En effet, les Chinois considèrent que chaque organe déploie une intelligence innée de sa fonction et que, s’il ne parvient pas à un tel déploiement, c’est que l’énergie interne vient à en manquer en quantité ou en qualité et que de là apparaîtront les dysharmonies subtiles facteurs de maladies et de pensées / émotions maladives.

La qualité d’un corps humain est interprétée, dans ce contexte, par les médecins au travers d’une figure géométrique de l’astrologie identique à l’architecture du palais impérial, le Ming Tang ou ici carré magique, et chaque organe associé à un nombre de 1 à 9, à un des neufs mois lunaires de la gestation intra-utérine et à 12 portes en relation avec les signes zodiacaux et donnant sur ces 9 cases. C’est au terme de ces neuf nombres que l'être humain est prêt à une existence autonome de sa mère ; et sur ces bases qu'il va développer toutes ses possibilités biologiques. Et c’est sur cette même base que vont se nourrir les pathologies.

De même pour le psychisme des individus car, selon les Chinois, le sentiment et la pensée expriment l’état énergétique d’un organe. Si le rythme biologique d'un organe marque une mauvaise synchronie avec l’univers, que l’on peut enregistrer par le biais de divers pouls nerveux et sanguin dans le contexte technique médical traditionnel, le comportement s’en trouvera modifié dans tel ou tel sens, et de là tout le devenir d'un individu.

On retrouve ainsi dans le massage et l’acuponcture chinois les principaux fondements conceptuels et techniques du Reiki :
- l’action sur « l’eau » du corps (c’est à dire la circulation du Tchi) mais, dans ce cas, avec les mains et non des aiguilles (l’imposition suit l’architecture du système lymphatique) ;
- la médiation d’informations venues de l’univers, mais ici sous la forme de symboles mentalisés et de formules verbales vocalisées ;
- les causes de la maladie prenant leur source dans de mauvaises habitudes et inversement celles de la santé dans une pensée saine (mais ici telle que définie par les cinq Principes du Reiki).

La démonstration clinique de l’effet thérapeutique des modes de guérison chinois est avérée depuis au moins deux millénaires et des études, menées particulièrement en Chine et aux Etats-Unis, augurent de publications à venir et d’une validation scientifique  en Occident. Restera à convertir puis former le corps thérapeutique moderne à une capacité nouvelle à envisager une médecine de santé au service d’êtres humains ; et non plus, comme c’est le cas actuellement, à se tenir à une médecine de maladie, industrielle, déshumanisée, parfois même hélas assez sectaire, ne s’affairant qu’à la conservation de corps biologiques. Il semble que le personnel soignant, confronté lui directement à la souffrance des patients, soit déjà demandeur d’une telle évolution. C’est dans le personnel auxiliaire, en effet, que se rencontrent le plus de praticiens de santé formés au Reiki.

Chez les médecins, ceux qui, au cours de leur pratique, ont eu à répondre de leurs actes, parfois devant une juridiction pénale ou une cour disciplinaire, semblent avoir amorcé une réflexion philosophique critique sur l’orientation chimico-scientiste imposée à leur art par la pratique légale et stimulée chaque jour par les cadeaux désintéressés de l’industrie pharmaceutique, sous couvert d’information et de formation.

Beaucoup d’entre eux s’intéressent à la médecine chinoise. Et cet intérêt commence naturellement par l’étude des cinq Eléments. Ce que nous allons d’ailleurs faire également à la suite.


Extrait de "Reiki, médecine mystique de Mikao Usui",

Pascal Treffainguy, Luxembourg, 2001-2008.


 


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